Quels sont les effets psycho-sociaux de l’obésité ? Analyse et décryptage avec notre expert.

professeur Chabot

Notre Expert : Pr Jean-Michel CHABOT

Jean-Michel Chabot est médecin et Professeur de santé publique. De 2010 à 2017, il a été conseiller médical de la Présidence de la HAS et membre de la Commission nationale des études de santé (CNES). De 2002 à 2004, il avait été conseiller au cabinet du ministre de la Santé Jean-François Mattéi après avoir été secrétaire de la conférence des Doyens de médecine de 1998 à 2002. Actuellement, il poursuit son activité aux comités de rédaction de la Revue du Praticien et du Concours Pluripro.

L’obésité peut être qualifiée de « mal du siècle ». Aux Etats-Unis (EU), ce sont plus d’un tiers des adultes (avec une prédominance féminine) qui sont considérés comme obèses et les choses s’aggravent régulièrement, notamment du fait de la prévalence croissante de l’obésité chez les enfants et adolescents. Le gouvernement américain en a fait la priorité de santé publique et l’on peut craindre que cette « épidémie » gagne petit à petit l’ensemble des pays développés via les multiples influences qui nous viennent des EU …

Les conséquences néfastes de l’obésité sont triples :

  1. D’abord, il y a l’effet direct de la surcharge pondérale sur le squelette, les articulations et les muscles, tous sur-sollicités.
  2. Ensuite les nombreuses comorbidités dont l’obésité est un facteur de risque, principalement maladies cardiovasculaires, maladies métaboliques (comme le diabète) et certains types de cancer.
  3. Et il y a enfin les troubles psycho-sociaux qui ont été longtemps négligés, mais qui apparaissent de plus en plus au premier rang des symptômes dont souffrent les patients. C’est pourquoi une équipe d’un centre de recherche de Philadelphie en a fait une analyse approfondie.

Ces troubles psycho-sociaux sont multiples. Ils touchent selon les études entre ¼ et ²/₃ des sujets obèses, d’autant plus que la surcharge pondérale est importante. Ils sont sensiblement plus fréquents chez les obèses que dans des populations comparables sociaux-économiquement ou géographiquement.

On retrouve avant tout les syndromes dépressifs, davantage chez les femmes que les hommes (souvent marqués dans plus de 50% des cas de femmes qui envisagent une chirurgie bariatrique). Également, très fréquemment, l’anxiété, qui quand elle n’est pas contrôlée, est une contre-indication à entreprendre une réduction pondérale.

La perte de l’estime de soi est fréquemment constatée chez les sujets obèses ; c’est d’autant plus notable que cette perte d’estime est « focalisée » : elle ne concerne que le surpoids et ne s’applique en rien, ni à l’activité professionnelle ni à la vie familiale. De même, la perception de l’image corporelle et plus généralement la qualité de vie sont souvent dégradées ; les difficultés pour adhérer aux standards sociaux et culturels (mode, habillement …) en sont la cause quasi constante.

A contrario ce ressenti négatif constitue une puissante motivation pour entreprendre un programme de réduction pondérale. On peut en rapprocher les sentiments de discrimination de toutes sortes (éducatives, culturelles, sexuelles, professionnelles, etc …) que signalent souvent les sujets obèses, d’autant plus que l’obésité est marquée.

Enfin, il faut évoquer les troubles du comportement alimentaire, très fréquents, mais curieusement souvent niés ou « méconnus » par les sujets obèses ; il s’agit avant tout d’accès boulimiques en réponse le plus souvent à des stimuli émotionnels, qu’il faut cependant distinguer de la « boulimia nervosa » le plus souvent suivie de vomissements provoqués ou d’exercices physiques compensatoires.

Ainsi, ce sont le plus souvent ces troubles psycho-sociaux qui constituent l’essentiel du mal-être des sujets en surpoids ou obèses. De son côté le médecin est attentif à bien contrôler les facteurs de risque de comorbidité et plus globalement à maintenir l’espérance de vie.

Pour le ou la patient(e), c’est la perspective de restaurer son estime de soi, d’améliorer la perception de son image corporelle et le cas échéant de moins ressentir les discriminations qui comptent vraiment. En particulier parce que ce sont les facteurs déterminants du maintien de l’implication du patient dans un programme de réduction pondérale. C’est pourquoi il est essentiel que les malades en surpoids (indice de masse corporelle (IMC) > 25 kg/m²) ou obèses (IMC > à 30 kg/m²) bénéficient d’un accompagnement pour renforcer leur implication.