La routine réhabilitée

La routine est un terme souvent utilisé de façon péjorative : la routine ennuie, la routine empâte, la routine signe la mort du couple, etc … Et de ce fait, nous déployons beaucoup d’énergie et d’inventivité pour casser cette routine. Mais la routine est-elle toujours synonyme de « Métro-boulot-dodo » ?

La routine, synonyme d’équilibre vital

Prenons l’exemple d’un bébé. Particulièrement vulnérable, il a besoin d’attentions permanentes pour survivre et il est, par excellence, un être d’habitudes. Pour lui, avoir des temps de repas, de sorties, de jeux, de bain et plus particulièrement de sommeil, bien identifiés et bien rythmés au quotidien est important d’un point de vue physiologique.

A titre d’exemple, si l’horaire du coucher est dépassé, les parents pourront probablement s’attendre à des cris et à des pleurs plus importants le lendemain. En effet, le bébé n’ayant pas eu son quota de sommeil ou n’ayant pas réussi à s’endormir après l’heure habituelle, n’aura pas pleinement satisfait un de ses besoins physiologiques. Chez le bébé, la routine a une autre utilité : elle le rassure lorsqu’il effectue ses différents apprentissages. De plus, s’adapter à un environnement mouvant et donc sans routine quotidienne lui demandera de l’énergie supplémentaire mais qui n’est pas nécessaire dès lors qu’il évolue dans un environnement stable. En évoluant dans un environnement stable, le bébé peut utiliser autrement cette énergie économisée, dans le développement de ses capacités intellectuelles par exemple.

Au même titre que pour le bébé, la routine est bénéfique pour les adultes. Avoir des temps de sommeil, d’alimentation ou d’activités physiques réguliers et bien rythmés, même si ce n’est pas toujours évident à respecter, est un facteur de protection de la santé. Par exemple, les employés travaillant en horaires décalés sont plus à risque de développer certaines pathologies.  

La routine a un autre rôle : elle rassure également les adultes, un bénéfice qui a pu être observé, par exemple, au cours des périodes de confinement. Elle a permis de juguler l’angoisse en réinstaurant une temporalité dans un moment où la notion du temps était perdue pour certains. La temporalité ainsi réhabilitée permet de vivre au jour le jour et devient donc un rempart puissant contre l’incertitude de l’avenir.

Sur le plan professionnel, la routine permet d’être plus efficace en télétravail, en abordant la journée par le biais d’une succession d’étapes rassurantes, en évitant la procrastination et en permettant d’évoluer.

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La routine synonyme d’épicurisme

La routine peut nous permettre de profiter des petits riens et d’apprécier de nouveau le quotidien. Il y a 2 raisons à cet effet bénéfique : 

  • Premièrement, en instaurant, comme pour un bébé, un environnement stable, la routine permet de s’engager sereinement dans les activités en les rendant plus agréables.
  • Deuxièmement, la stabilité, propre à la routine, permet d’être plus attentif à ce qui sort du quotidien et donc elle nous permet d’apprécier la particularité de chaque événement. Par exemple, un repas plus élaboré que d’habitude, même s’il se tient aux mêmes horaires, peut devenir saillant et être source de joie au même titre qu’un inopiné coup de fil d’un proche avec qui vous n’échangez que peu souvent.

Selon le poète chinois Liu Xian, « le bonheur vient de l’attention aux petites choses, et le malheur de la négligence des petites choses ». Ainsi, en suivant ce principe, la routine peut même nous mener sur le chemin du bonheur.

Quand la routine devient synonyme de prison

La routine peut devenir une prison si son organisation est trop rigide et que rien ne peut sortir de son cadre.

Pour certaines personnes, la routine a pu être rassurante à un moment donné et donc avoir été une solution pour faire face à certaines inquiétudes et angoisses. Mais, lorsqu’elle ne permet plus d’intégrer l’imprévu inhérent à la vie, elle peut provoquer de l’isolement générer une sensation de jour sans fin :  un sentiment de lassitude peut alors s’installer. Dans ce cas, il est recommandé de casser la routine en introduisant notamment des petits riens : changer d’itinéraire en allant au travail, prendre du thé au lieu du café, changer un élément de décoration à la maison ou au bureau, ou encore, pour les plus téméraires, démarrer une nouvelle activité, notamment artistique. Toutes les solutions sont possibles et ce qui semble n’être qu’un détail peut augmenter avec le temps le niveau de bien-être.

Comment insérer de la routine dans mon quotidien ?

Un sommeil suffisant est le point de départ de toute routine réussie. Respecter des horaires de lever et coucher réguliers garantissent un sommeil réparateur, permettant le déploiement de toutes les ressources nécessaires à la journée à venir.

De plus, s’il est habituel d’avoir recours à un emploi du temps pour les activités professionnelles, un emploi du temps intégrant toutes les activités aussi bien personnelles que professionnelles peut aider à ne pas oublier les temps de pause ou les temps de détente tout en vous structurant et rassurant. Cet emploi du temps peut également avoir son utilité pour délimiter les temps de vie professionnel et personnel, frontière souvent confuse en télétravail.

En résumé, la routine est avant tout structurante et nécessaires à l’équilibre psychologique car elle augmente notre sentiment de sécurité et de satisfaction. De plus, elle permet de préserver notre énergie et notre temps si précieux. La vision péjorative que nous en avons relève surtout de son usage excessif. A Horace de nous rappeler qu’ « il faut de la mesure en toute chose » et utilisée sans excès, la routine peut permettre de se sentir plus stable et de se recentrer sur les petits riens accessibles qui sont sources de bien-être. 

Marie Worcel, psychologue clinicienne